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rootsetchemins
17 juin 2016

Le Trac du Trek

 

Jour 1 - Chingchan - Rumbak

Déjà, Leh, ça vous dit quelque chose? et au moins le Ladakh (plus communément appelé Lechdeck pour certaines vahinés de Polynésie…)?

Nichée au nord de l'Inde, on surnomme cette région du Jammu-Cachemire le petit Tibet : elle regorge de monastères bouddhistes, de hauts plateaux où les éleveurs nomades de chèvres pashmina poursuivent leur transhumance, de vallées étroites et vertigineuses, de routes réputées parmi les plus dangereuses du monde (par expérience, je certifie que cette réputation est largement méritée), bref de paysages à couper le souffle, si la manque d'oxygène ne s'en est pas déjà chargé!

 

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On peut déjà légitimement se demander à quoi bon citer les noms des lieux. Ils existent à peine sur des cartes imprécises, et certainement pas sur des plans à bonne échelle.

Pourtant, je trouve dans leur prononciation, un début de voyage, un souffle d’air frais mêlé de poussière, un exotisme qui n’a rien de tropical... pour mon plus grand bonheur.

 

Nous voilà donc partis en voiture en début de matinée de Leh pour un lieu-dit, qui n’existe pas réellement.

Avant même de monter en voiture, je ressens un décalage extrême avec ce que je m’apprête à vivre. J’ai entassé dans mon sac à dos ce qui me semble juste indispensable, au minimum… de quoi dormir au propre et un peu de change pour 4 jours de marche en semi-haute altitude, en début de printemps. En d’autres termes, au mieux je vais me cailler, sinon je vais geler. Je n’imagine pas porter la même paire de chaussettes 96 heures d’affilée… que dire de mes sous-vêtements??? J’ai beau m’accommoder de conditions d’hygiène assez rustiques, impossible de renoncer totalement à mon confort occidental.

Et pourtant en arrivant à l’agence, je découvre avec effroi que mon guide a un sac donc le contenu pourrait tenir dans mon sac à main (bon certes, je suis connue pour me balader davantage avec des cabas que le dernier itbag, mais tout de même). Je me fais l’impression d’une touriste de base alors que je ne souhaite que me fondre, ne serait-ce que quelques jours, dans ces paysages, dans cette région qui m’a subjuguée par sa beauté l’an dernier. Mon sac de couchage ne trouvant décidément pas l’espace minimum pour se loger dans mon sac à dos, c’est mon guide qui l’emporte. Pour être honnête, ce n’est pas le manque de couvertures que je redoute dans les homestays, mais plutôt leur faune microscopique mais ô combien abondante et vorace...

 

Le temps est au beau fixe, pas un nuage sur ces montagnes qui n’aiment guère descendre en dessous de 3500m. La plupart des sommets sont encore enneigés. Les plages de Tahiti, les cocotiers, … 18 ans de paradis tropical et je ne suis pas devenue contemplative. Face à ce petit bout de chaîne de l’Himalaya, je baisse ma garde, sans le moindre effort, mais avec surtout une sensation de sérénité rarement éprouvée.

Je flippe vraiment : mon seul souvenir de “haute” montagne remonte à mes 9 ans. A l’assaut du Mont Rose, j’avais déclaré forfait à bien moins de 4000 m. Trois jours de randonnée qui s’étaient transformés davantage en chemin de croix pour moi. J’avais pourtant appris beaucoup de choses lors de cette expérience : une paella lyophilisée “comme là-bas dis” à 6h00 du matin peut se révéler le meilleur repas de toute votre existence tant la faim vous tenaille et surtout qu’il était totalement inutile d’investir dans de bonnes chaussures étanches : les sacs plastiques du dernier supermarché interposés entre vos chaussettes et vos gros godillots vous assureront un hermétisme à moindre frais avec en bonus une macération dont le parfum sera à jamais inoubliable.

Au bout d’une bonne heure de route sinueuse dans un canyon de plus en plus étroit et dont les bas-côtés sont déjà au fond du ravin, (rarement on n’est aussi ravi de ne croiser personne en chemin, surtout venant en sens inverse). J’aperçois une pancarte de Homestay. Faut être plus que motivée pour venir passer des vacances “à la campagne” dans le coin.

De l’autre côté de la rivière, une maison, pas âme qui vive.

Le chauffeur s’arrête : you start here. Pourtant la route continue et semble encore carrossable.

En descendant de voiture, je sens mon pouls s’accélerer. Sans doute l’altitude, plus élevée qu’à Leh, à moins que je ne prenne enfin conscience que je suis totalement timbrée. Je pars 4 jours dans des montagnes où aucune communication ne passe. Ils m’ont dit qu’il y avait un téléphone satellite à la première étape, soit 4 à 5 heures de route pour les bons marcheurs. Je suis seule avec ce guide qui parle un anglais plus qu’approximatif et dont l’accent m’obligera à lui faire allégrement répéter ses phrases 2 ou 3 fois, avant de lui faire croire que j’ai compris. Je sais, c’est pas beau de mentir…

Seule avec un homme de 23 ans, ancien moine bouddhiste, qui a préféré il y a peu revenir dans un monde moins spirituel et expérimenter en toute quiétude le goût de la bière, du tabac, du gangja,… et sans doute d’autres aspects de la vie moderne. Il s’appelait Stanzin Nurbu.

 

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Le u se prononce ou et il faut bien rouler le rrrr, comme lui excelle sans doute dans l’art de rouler des cigarettes. C’était tout de même gentil qu’il pense que j’avais une trentaine d’années… Mais sait-il que c’est pas beau de mentir???

Plus le temps de faire demi-tour. J’ai payé pour être là, alors en route!

Le chauffeur de la voiture me tend sa main en guise d’au revoir puis tout à mon coup me fait un hug. Genre “c’est sympa d’avoir croisé ton chemin”. Ce témoignage de gentillesse ne calme en rien mes doutes. Il est censé venir nous chercher dans 4 jours dans une autre vallée… On va se revoir, hein??? Vous les ramenez tous les zozos comme moi qui ont du mal à tenir un 100m en petite foulée et qui se prennent pour des aventuriers des hauts sommets?

Inch’allah. Une photo souvenir avec le guide avant de partir, des coups de klaxons pour bien voir que la voiture a définitivement fait demi-tour et que je n’ai plus d’autres alternatives que de marcher les 4 prochains jours, pour passer le col de Canda La, à 4900m. 

 

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Je ne peux m'empêcher de penser que si je disparais, on retrouvera sûrement mon appareil photo et on verra bien que j'avais tout de même l'air heureux.

A suivre...

 

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Commentaires
H
J’ai toujours aimé le trek, mais je n’ai jamais pensé à en faire un dans la région. Vos clichés me démontrent que vous profitez de chaque seconde de ce voyage.
D
Magnifique, j'ai hâte de dévorer la suite.
S
Excellent!<br /> <br /> Vivement la suite!
rootsetchemins
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